06 Avr Christ est vraiment ressuscité !
Dans la tradition des églises orthodoxes, la salutation habituelle pour se dire bonjour pendant le temps de Pâques est :
– « Le Christ est ressuscité ! »
– « Oui, il est vraiment ressuscité ! »
Je ne sais pas s’il faut nécessairement adopter cette coutume, mais ça me semble crucial de réaliser ce que change pour notre vie cette affirmation tout à fait centrale de notre foi.
Si le Christ n’est pas ressuscité, dit Saint Paul, « notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu » (1 Co 15, 14). Si le Christ n’est pas ressuscité, sa mission se termine par un cuisant échec et nous laisse sans aucune espérance, comme le déplorent les disciples d’Emmaüs (Lc 24,20-23) avant de réaliser que c’est Jésus ressuscité qui chemine avec eux.
Si nous ne croyons pas que le Christ est ressuscité, la vie de Jésus peut être réduite à un enseignement moral sur la bonté et la lutte contre l’hypocrisie religieuse, ou alors une prophétie invitant avec une insistance particulière à l’amour du prochain. Peut-être qu’une telle perspective, plus compatible avec la rationalité moderne, convient à certains de nos contemporains. On la trouve chez Kant où la religion est pensée « dans les limites de la simple raison » et où Jésus n’apparaît que comme un homme exemplaire. On la trouve dans l’islam où Jésus, bien qu’il soit reconnu sans péché, n’est qu’un prophète. On la trouve de manière plus subtile dans la théologie libérale du XXème siècle pour laquelle il faut sortir d’une lecture « objectivante » du Nouveau Testament et relativiser l’incarnation et la résurrection, puisque ce qui est important ce n’est pas de savoir si le corps de Jésus est vraiment ressuscité, mais si Jésus est vivant dans le cœur du chrétien.
Néanmoins, si on en reste là, on passe à côté de l’essentiel de ce qu’ont transmis les textes néotestamentaires. En effet, la résurrection y apparaît comme une réalité objective : le tombeau était vide et de nombreux témoins ont vu Jésus vivant après sa mort. Jésus leur a parlé, il s’est laissé toucher par eux, il a mangé avec eux.
Ce n’était pas un esprit. Il a été relevé d’entre les morts, comme il avait relevé de la mort le fils de la veuve de Naïm (Lc 7, 11-17), la fille de Jaïre (Lc 8, 40-56) ou son ami Lazare (Jn 11). Il s’est présenté vivant aux apôtres après sa passion (Ac 1, 3) comme en témoigne Pierre à Jérusalem : « Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité, nous tous en sommes témoins » (Ac 2, 32).
La résurrection est fondatrice de notre foi chrétienne parce qu’elle valide et confirme tout ce que le Christ avait annoncé et vécu pour nous : son lien unique avec le Père qu’il a désiré nous faire partager, sa vie donnée par amour pour les hommes, l’assurance de la vie éternelle… Tout cela culmine dans la résurrection, puisque celle-ci nous assure que la souffrance et la mort n’ont pas eu le dernier mot et que le Christ, désormais vivant, se rend présent à nous par son Esprit Saint.
Cette prise de conscience implique une petite révolution : ce n’est pas, contrairement à ce que pensait la théologie libérale, la résurrection qui est relative par rapport à notre vie. C’est notre vie qui est relative par rapport à la résurrection. En effet si le Christ est ressuscité, si nous ressusciterons avec lui après notre mort, si nous avons l’assurance d’y retrouver tous nos êtres chers, si nous savons qu’en nous mettant au service des autres et en partageant avec les plus pauvres nous construisons notre avenir, si comme saint Paul nous estimons « qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous » (Rm 8, 18) alors ce sont tous nos choix de vie et notre manière de vivre qui sont impactés.
Il ne s’agit pas de nous défaire de nos responsabilités terrestres et matérielles mais de les orienter en fonction du sens profond que nous voulons donner à notre vie et c’est là que la résurrection du Christ vient apporter une orientation décisive.
Bonne fête de Pâques à tous !
Père Henri de La HOUGUE