23 Oct Que se passe-t-il au confessionnal ?
Il y a quinze jours, une polémique s’est développée autour d’une affirmation de Mgr de Moulins-Beaufort, président de la conférence des évêques de France, selon laquelle le secret de la confession serait « plus fort que les lois de la République ».L’expression, assez malheureuse, lui a en fait été en quelque sorte arrachée par Marc Fauvelle, journaliste de France-info, qui lui a demandé de manière insistante à deux reprises « est-ce que le secret de la confession est plus fort que les lois de la république ? » au sens où le prêtre ne serait pas obligé par la loi de dénoncer un criminel qui viendrait se confesser. Si elle reste assez malheureuse, cette expression n’a pas grande signification en soi puisque, jusqu’à présent, le secret de confession a toujours été accepté par la loi française.
Mais, au-delà de l’expression, la polémique est un peu décalée, dans la mesure où beaucoup de personnes qui ont réagi autour de cette expression, n’ont jamais pratiqué la confession et en ont une idée complètement mythifiée. Beaucoup pensent que c’est un lieu où on irait « se faire pardonner un peu magiquement ses péchés », quelle que soit leur gravité, permettant ainsi au pénitent de retrouver une conscience tranquille, y compris après avoir commis des crimes très graves. On comprend dès lors que ces personnes réclament que certains crimes ne soient plus « protégés » par le secret de la confession.
Mais la réalité de la confession est fort différente : La confession est d’abord un lieu de croissance de la vie spirituelle où les personnes viennent confier ce qui les éloigne de Dieu (c’est la définition du « péché ») pour voir comment retrouver une dynamique spirituelle dans leur vie quotidienne. La plupart des péchés abordés en confession ne sont d’ailleurs pas des « fautes » aux yeux de la justice, comme par exemple, le fait de ne plus prendre du temps pour la prière, de ne plus avoir de relations avec telle personne de sa famille, d’avoir du mal à partager ses biens ou à pardonner telle ou telle personne… mais constituent réellement un obstacle dans la vie chrétienne.
D’une manière générale, les conversations au confessionnal sont l’occasion pour le fidèle d’aborder son itinéraire personnel, familial, professionnel ou amical en vue d’approfondir sa relation avec Dieu et d’accroître sa capacité d’amour et de service pour tout l’entourage.
Dans ce contexte, ce fameux « secret de la confession » offre simplement un espace pour aborder, en toute liberté et dans l’anonymat, les différentes réalités blessées de la vie, en étant certain que ce qui est dit sur soi, sur la famille, ou sur les autres d’une manière générale, ne sortira pas de l’entretien. Ce secret est très important car c’est la condition de la confiance et donc, le premier pas vers des réconciliations ou des reconstructions possibles.
Bien des personnes viennent parler de choses qu’ils ne peuvent confier à personne d’autre : difficultés conjugales, amicales, tourments du passé, décisions difficiles à prendre, sentiments d’insécurité, emprises psychologiques ou spirituelles, combats contre des addictions.
Ce secret est très important car c’est la condition de la confiance et donc, le premier pas vers des réconciliations ou des reconstructions possibles. Bien des personnes viennent parler de choses qu’ils ne peuvent confier à personne d’autre : difficultés conjugales, amicales, tourments du passé, décisions difficiles à prendre, sentiments d’insécurité, emprises psychologiques ou spirituelles, combats contre des addictions.
Pendant la confession, le prêtre écoute, donne quelques indications et axes de progression et, s’il y a un vrai regret et un désir de repentir, donne l’absolution pour ce qui concerne le péché, c’est-à-dire, la rupture dans la relation à Dieu. S’il y a une offense faite à une personne tierce, le prêtre demande à la personne repentante, dans la mesure du possible, de réparer l’offense commise.
Le prêtre ne se substitue en aucun cas à la justice civile et le fait de recevoir le pardon des péchés ne dispense pas une personne qui aurait commis des actes criminels de devoir rendre des comptes à la justice et aux personnes offensées. C’est même, la plupart du temps le signe d’un vrai repentir et la condition pour recevoir le pardon sacramentel.
Le secret de confession permet notamment à des victimes de crimes pédophiles de pouvoir parler, avec confiance, de leur souffrance, en sachant que cela ne dépassera pas, en tout cas dans cette première étape, le cadre de cette rencontre. Ce sont des choses extrêmement difficiles à exprimer, surtout lorsqu’il s’agit d’abus dans une famille, et le secret de la confession offre ce premier espace de liberté où la victime peut parler en étant sûre de n’être pas jugée ou bien que cela n’engagera pas un processus de dénonciation qu’elle n’est pas encore en mesure de supporter.
Il est évident que le prêtre donnera à cette personne quelques pistes pour avancer, pour se faire aider sur le plan psychologique et l’invitera à en parler à des personnes non soumises au secret, surtout si l’abuseur est encore en vie. Si la personne n’est pas encore prête à cela, le prêtre l’invitera à venir en reparler pour cheminer, étape par étape. Mais dans cette première rencontre, à moins que la personne souhaite se faire connaître (ce qui ne m’est jamais arrivé), la rencontre restera anonyme et le prêtre ne connaîtra, à la fin de l’entretien, ni le nom, ni les coordonnées, ni le lieu d’habitation de la personne qui est venue la voir. S’il était contraint par la justice à faire un signalement, il n’aurait, en pratique, aucun moyen de le faire. S’il fallait, au début de la confession, demander au pénitent de décliner son identité et son adresse, plus personne ne viendrait. Le secret est la condition qui permet la libération de la parole. Supprimer ce secret serait donc se priver d’un lieu très important de reconstruction et de parole possible.
C’est extrêmement rare que le prêtre ait à entendre en confession de crimes qui relèveraient civilement d’une cour d’assise. Personnellement, j’ai eu l’occasion d’en entendre uniquement lorsque je confessais régulièrement dans une Maison d’arrêt. Il m’est arrivé alors de donner l’absolution, c’est-à- dire de manifester le pardon de la part de Dieu, (qui, encore une fois, ne dispense pas de rendre des comptes aux victimes et à leur famille) si les personnes étaient conscientes de la gravité de leur crime, acceptaient leur peine de prison et exprimaient un vrai regret et un vrai désir spirituel de conversion.
Je pense que la miséricorde de Dieu peut aller jusque-là, puisque le Christ l’a exprimé à l’un des criminels crucifiés à ses côtés ou encore à Paul, qui grâce à ce pardon, a pu, à son tour donner sa vie pour d’autres à la suite du Christ.
Henri de La Hougue