08 Jan L’extraordinaire ordinaire
A partir de demain nous commençons, après le temps de l’Avent et celui de Noël, le temps liturgique appelé « Temps Ordinaire ».
Dans notre société hypercommuniquante, « l’ordinaire » est souvent vu comme du « banal », du « sans intérêt ». Il faut toujours un événement nouveau, pour susciter l’attention : un événement si possible facile à appréhender, qui puisse faire le buzz, quitte à ce que la vérité de l’évènement en devienne assez secondaire… et tant pis pour les gens qui seront sacrifiés sur l’autel des médias !
Or, pour le Seigneur, c’est plutôt l’inverse qui se produit : son but c’est que l’ordinaire devienne extraordinaire, que la vie de chaque jour revête un goût d’éternité, que les rencontres anodines trouvent une fécondité insoupçonnée. Dieu n’est prêt à sacrifier ni la vérité de ce qui est vécu, ni les personnes qui les vivent. Au contraire, c’est cela qui, selon lui, constitue le trésor de l’humanité.
Tous les temps liturgiques “extraordinaires” de préparation (Avent et Carême) ou d’action de grâce (Noël et Pâques), n’ont pour but que de nous aider à vivre le temps ordinaire comme le temps de la présence quotidienne du Christ ressuscité à nos côté, qui vient transformer le quotidien de nos vies en aventure extraordinaire de notre salut.
Encore faut-il, comme dit Saint Paul (Ep 3,18), en percevoir toutes les dimensions : la hauteur, la longueur, la largeur et la profondeur. Ces 4 dimensions ne peuvent se percevoir Cela ne peut se faire que dans la longue expérience du quotidien : la hauteur avec laquelle la foi nous donne de vivre les événements joyeux et éprouvants de notre vie, la longueur de notre histoire personnelle et communautaire avec le Christ, la largeur des ouvertures spirituelles que le Seigneur nous donne de vivre, notamment dans la rencontre des autres, et la profondeur, c’est-à-dire la densité ou la qualité de relations qu’il nous invite à tisser avec nos frères et sœurs.
L’extraordinaire de la vie ordinaire se perçoit grâce à la conscience de ce qui est en train de se jouer dans notre vie terrestre : non seulement notre salut, mais notre participation au plan de salut de Dieu pour nous-mêmes, nos familles et les gens rencontrés.
L’extraordinaire de notre vie se manifeste dans notre faculté à vivre l’instant présent comme un temps de grâce, lorsque nous réalisons que nous sommes là où le Seigneur nous attend.
Peu importe que ce lieu soit ou non valorisant aux yeux du monde, l’essentiel est que ce soit celui qui nous construit dans notre relation aux autres et à Dieu : nourrir notre enfant, lui faire apprendre ses devoirs leçons, réviser nos examens, jouer au foot avec des amis, travailler sérieusement au bureau, lire la bible dans le métro, donner un coup de main pour une association… Si c’est là que le Seigneur nous attend, à ce moment, cela signifie que c’est notre meilleur lieu de sanctification et nous n’avons rien de mieux à faire que d’y être. C’est très reposant de savoir que nous avons fait ce qu’il y avait de mieux à faire du point de vue de Dieu.
L’extraordinaire de notre vie s’entretient par une capacité d’émerveillement des petites choses reçues chaque jour et par une brève relecture de nos activités quotidiennes devant Dieu, surtout pour le remercier de la richesse des rencontres. Ces deux petites choses nous replacent simplement devant l’essentiel.
L’extraordinaire de notre vie se manifeste dans la fidélité à nos engagements, engagements ponctuels dans une association ou des activités, mais aussi dans nos engagements de vie : dix ans, 20 ans, 50 ans, 60 ans de mariage, d’ordination. Un témoignage modeste mais qui dure portera toujours beaucoup plus de fuit qu’un témoignage brillant qui ne dure pas.
L’extraordinaire de notre vie, c’est de réussir progressivement à unifier notre vie ordinaire, de telle sorte qu’il n’y ait plus les instants sans Dieu et les instants avec Dieu. Ainsi, avec simplicité, au terme de notre vie, nous pourrons reconnaître que Dieu était là à chaque instant de notre vie. Et il faut avouer que c’est vraiment extraordinaire !
Henri de La Hougue