10 Jan Les baptisés qui changent le monde
Imaginez qu’à la télévision, chaque soir, on entende… « Les files d’attente de désemplissent pas devant les baptistères et aujourd’hui plus de 281 000 personnes sont venues se faire baptiser, les prêtres et les personnels de sacristie sont au bord de l’épuisement… ». Bon, il faut avouer que ça reste un doux rêve et que ce ne sont pas les quelques centaines d’adultes baptisés à Paris à chaque nuit pascale qui vont faire des foules. Et pourtant, à l’époque du Christ, c’est dans une de ces foules que Jésus prend place. Pourtant, Jésus lui-même institue le baptême en se faisant lui aussi baptiser. C’est peut-être le signe que c’est important, le baptême, que ça peut changer une vie, le baptême. Vous connaissez la technique secrète du bon prêtre pour faire peur au bon petit catholique ? Non ? Alors j’ai une technique radicale à vous proposer : annoncer que dimanche prochain pendant la messe il y aura des baptêmes. La réaction immédiate : « pouuu ça va durer des plombes, on n’a qu’à aller à Notre-Dame des Champs à la place, on ne va pas perdre 1h30 pour un truc qui ne nous concerne pas ».
D’un autre côté, vous pourriez même vous dire : « Il y a tant de baptisés dans le monde et pourtant la violence continue de s’abattre, de sévir. Cela signifierait-il que nous sommes impuissants, que nous ne servons à rien ? Il y a tant de baptisés à Paris et si peu de choses ont changé, serait-ce le signe que nous sommes inutiles, que nous ne pouvons rien ? Il y a tant de baptisés dans ta classe, dans ton cabinet de conseil, dans ton immeuble, dans ton quartier et si peu de choses transformées, serions-nous donc démissionnaires ou muets ? Il y a tant de baptisés dans cette église, mais y a-t-il quelque chose qui ait vraiment changé ? »
Être baptisé, c’est recevoir Jésus et le donner
On pourrait juste désespérer en se disant que si rien ne change, ça ne vaut pas le coup. Et aller alors s’engager dans l’amicale bouliste du jardin du Luxembourg. Au moins on servirait à quelque chose et on transformerait du même coup l’église en musée de manière définitive.
Pourtant, être baptisé c’est d’abord recevoir Jésus. Et ça change tout. L’Évangile nous le disait tout à l’heure : « Toi tu es mon fils bien aimé, en toi je trouve ma joie ». Ce fils du Père éternel, celui-là même qui était auprès du Père avant les siècles, il t’est donné, à toi sur la terre, comme un frère à suivre. Le baptême du Seigneur est une théophanie, une manifestation de Dieu. Dieu se manifeste à nous pour nous inviter à le suivre, pour se reveler et pour faire connaître son amour. Avons-nous conscience de cela ?
Parfois pendant la prière universelle, ou dans notre prière personnelle, nous disons : « Seigneur, viens sauver les pauvres de la planète », « Seigneur, viens faire cesser cette pandémie », etc… C’est pratique parce que ça ne nous implique pas trop. On dit à Jésus : « Bon, toi tu fais le taff, et nous on reste tranquilles dans le canapé à faire des Covid party avec les copains, à coups de bonnes bières ».
Et à ces prières, Dieu, peut-être un peu en colère, nous répond : « Tu es mon fils bien aimé, en toi j’ai mis tout mon amour et ma joie », en TOI ! « Et toi, qu’est-ce que tu en as fait de mon amour ? Tu l’as gardé, mis de côté comme une gérant timide, comme un comptable précautionneux, comme un usurier scrupuleux, tu l’as gardé pour plus tard, pour quand tu en aurais besoin , pour ta femme, pour tes enfants, pour tes amis, et tu laisses crever le monde ? Qui d’autre que toi peut lui donner mon amour ? Qui d’autre que toi mon fils, ma fille ? C’est à toi que je l’ai donné, c’est en toi que je l’ai déposé, pour que tu en vives, pas pour que tu le gardes. Pour que tu le donnes, comme moi. »
Être baptisé, c’est donc d’abord recevoir Jésus et le donner au monde. Car si Dieu se donne aux baptisés, si Dieu nous communique chaque jour son amour et sa grâce, ce n’est pas pour que nous la gardions jalousement mais pour que nous puissions rayonner de notre baptême. « Là où il y a un chrétien, il doit y avoir quelque chose de changé et de changé en mieux ».
Ici nous sommes tous baptisés. Et alors, est-ce qu’il y a une différence entre vous et un autre, votre voisin, cet ami qui n’est pas baptisé ? Aucune ? Rien de changé dans votre vie, rien de différent dans votre manière d’être, de travailler, de vous comporter avec votre patron ou votre subalterne, de regarder le plus pauvre ? Ah si vous allez à la messe le dimanche, et quoi d’autre ? Rien ? Alors c’est quoi le baptême : une décoration que vous porteriez fièrement, une promotion qui nous ferait regarder les autres de haut, une espèce de rite de passage, un moment où vous recevez des cadeaux, un marqueur social qui nous distinguerait des autres ?
Être baptisé, c’est être consacré : « Tu es mon fils bien aimé »
Car en fait être baptisé c’est d’abord être consacré, c’est-à-dire être choisi et mis à part par Dieu. C’est un don que Dieu nous fait. Et qu’il nous fait sans repentance. Savoir que Dieu nous aime devrait suffire à combler notre vie. Alors bien sûr, nous-mêmes après avoir été baptisés nous pouvons dire au Seigneur « moi je ne t’aime pas ou je ne t’aime plus », nous pouvons renier notre baptême, renier notre amour, mais nous ne pourrons jamais faire que Dieu ne nous aime pas, car ce qu’il donne, il ne le reprend pas : Dieu ne sait que donner. Et même si nous le rejetons, même si vous l’avez rejeté, oublié, négligé un jour, il se tient auprès de vous, discrètement, il a posé sa main sur votre épaule et il ne vous abandonnera jamais.
Nous devrions entendre pour nous ces paroles de l’Évangile : « Tu es mon fils bien aimé, en qui j’ai mis tout mon amour », « Tu es ma fille bien aimée en qui j’ai mis tout mon amour ».
Depuis le jour de votre baptême, frères et sœurs, vous êtes le temple de l’Esprit Saint, tabernacle de la divinité. On pourrait se promener à côté de vous avec un petit lumignon rouge signalant la présence de Dieu en vous. Avez-vous conscience d’être consacrés ? L’onction royale du Saint-Esprit est sur vous, depuis le jour de votre baptême et plus encore de votre confirmation. Vous avez été marqués par un don indélébile qui fait de vous des êtres différents. Comme le dit saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi »
Être baptisé et consacré, c’est donc courir un vrai risque : le risque de prendre au sérieux la parole que Dieu vous adresse, plus que celle de Gala ou de Closer, le risque de croire que l’amour est plus fort que la haine, le risque du pardon, le risque de la pauvreté, d’une vie simple, le risque d’être moqué, le risque de vivre à contre courant, et tout autre risque du même genre… Oui le baptême est un risque, le risque de prendre feu au contact du Seigneur, le risque d’attraper la sainteté et ce risque-là… nous voulons le courir !
Être baptisé, c’est être membre d’un corps
Enfin, frères et sœurs, être baptisé c’est faire partie d’un peuple particulier. « Peuple de Dieu, cité de l’Emmanuel » chantions-nous tout à l’heure. Le peuple de Dieu, c’est nous. Non pas un club fermé d’habitués qui pensent, votent et s’habillent pareil. Mais une foule bigarrée que rien d’autre que Jésus Christ ne peut réunir vraiment. Une foule qui regarde vers le ciel dans l’Espérance. Une foule qui a compris que si notre cité se trouve dans les cieux, il nous faut construire ici la cité du ciel ! En tant que baptisés, nous sommes membres de l’Église, nous sommes le corps du Christ. C’est-à-dire que notre unité se fait dans le Christ. Si chacun des baptisés est profondément uni au Christ de toute son âme et de tout son cœur, alors notre unité se fera par le haut, et non pas simplement parce que tous aimeraient le même chant d’entrée, ou la même manière de célébrer la messe !
Cette fraternité spirituelle et réelle, c’est elle que nous voulons fonder chaque jour. Pourquoi un apéro après la messe ? Pourquoi proposer des activités pour prier ensemble et apprendre à se connaître ? Tout simplement parce que cet esprit fraternel des baptisés se cultive et s’entretient. Parce que la paroisse, notre paroisse, est le lieu ordinaire du déploiement de notre vie chrétienne. J’ai eu la chance quand j’étais étudiant de découvrir que la paroisse pouvait être une famille, où jeunes et vieux, hommes et femmes, riches et pauvres pouvaient vivre ensemble de la même foi, dans la fraternité. Et j’ai un rêve pour notre paroisse, pour notre église en cette année 2022 : que nos liens fraternels grandissent. Par l’investissement de chacun. Trop d’entre nous se contentent de vivre de leur baptême à mi-temps. Oui, chers amis, le baptême est quelque chose qui transforme ma vie chaque jour, chaque dimanche, chaque semaine. Si je prends au sérieux le don que j’ai reçu, alors l’apéro de sortie de messe n’est pas un gadget mais un élément essentiel de la fraternité, alors la messe ou la prière commune sont un moment de communion dans le Christ et pas juste un moment de bien-être, alors la souffrance d’un seul baptisé me fait souffrir, et la joie d’un seul baptisé me comble.
Si tu baptisé(e), mon frère, ma sœur,
Si tu es baptisé(e) et que tu veux vivre de cette grâce, un peu plus chaque jour
Si tu crois que Jésus Christ habite en toi et si tu veux que tout en toi lui appartienne
Si tu crois qu’il t’a rempli(e) de son amour
Alors tu as déjà changé,
Alors dans notre monde il doit y avoir quelque chose de changé
Alors autour de toi il va y avoir quelque chose de changé
C’est Dieu qui vous le dit :
« Mon fils, ma fille, qui d’autre que toi en qui j’ai mis tout mon amour,
qui d’autre que toi dira au monde que je l’aime ? »
P. Raphaël Cournault