04 Juin Nous laisser guider par l’Esprit Saint aujourd’hui
La vie des premières communautés chrétiennes, après la Pentecôte, était marquée par une croissance du nombre des disciples, mais aussi par des conditions de vie difficiles : dispersions et persécutions des disciples de Jésus, risques de divisions entre les jeunes communautés aux fondateurs influents… et par la grande question de l’ouverture de la foi chrétienne aux païens.
Dans ce cadre, l’Esprit Saint a obligé la communauté chrétienne à être très inventive dans sa pratique et dans son langage pour permettre aux nouveaux disciples de culture grecque d’accueillir une foi fondée dans une anthropologie religieuse si différente de la leur, où les notions de Dieu personnel, d’alliance entre Dieu et un peuple, de salut messianique, etc… n’existaient pas. L’Esprit Saint a chamboulé bien des habitudes de la communauté judéo-chrétienne, la forçant parfois, à aller là où elle ne serait pas spontanément allée (cf. Ac 11, 17, où Pierre se justifie d’avoir baptisé des païens : “Si l’Esprit Saint est venu sur eux (…), qui étais-je moi pour m’opposer à Dieu”).
Aujourd’hui, le contexte a bien changé, mais c’est toujours le même Esprit qui agit. Notre vie chrétienne, en France, est marquée par des défis tout aussi radicaux, même s’ils sont en quelque sorte inverses : nous vivons dans un contexte de décroissance du christianisme, d’une rupture de transmission massive et d’une méconnaissance de plus en plus généralisée des principes et des pratiques de la foi chrétienne dans la société.
C’est un phénomène massif et profond contre lequel il ne s’agit pas de lutter de front, sous peine de s’épuiser à force de nager à contre-courant. Il s’agit plutôt d’accepter que c’est dans ce contexte particulier que l’Esprit nous invite à être témoins de notre foi aujourd’hui. Reconnaître cela n’est ni un défaitisme, ni un manque de foi : c’est une condition de lucidité pour renaître de nouveau et laisser l’Esprit nous guider.
Cependant si le contexte a changé, la lecture des Actes des Apôtres nous donne quelques repères pour collaborer avec l’Esprit Saint dans ce contexte difficile :
• Développer notre capacité d’émerveillement devant ce que vivent les autres dans leur foi. Par exemple, lorsque la question du baptême des païens divise la communauté chrétienne, les apôtres prennent le temps d’écouter Pierre leur raconter ce qu’ont vécu Corneille et sa famille (Ac 10-11) puis d’écouter Paul et Barnabé raconter les prodiges que vivent les païens (Ac 15,12).
• Réaliser la radicalité du message chrétien pour notre monde, comme il l’était à l’époque des apôtres dans le monde grec. Quand Paul à Athènes aborde la question de la résurrection : presque tous ses auditeurs se moquent de lui et s’en vont. Seuls quelques-uns deviennent croyants (Ac 17, 32-33). Ne nous laissons pas abattre lorsque nous ne touchons plus les grandes foules car, de fait, notre langage n’est plus immédiatement audible dans la société contemporaine, mais sachons en témoigner sans complexe et nous réjouir lorsque quelques-uns, même en petit nombre, catéchumènes et confirmands, par exemple, vivent une expérience spirituelle et humaine renouvelée par la grâce.
• Garder une place centrale pour la prière (méditation de la Parole de Dieu, eucharistie, imposition des mains avant les départs en mission) dans nos communautés.
• Être attentif à la communion fraternelle et l’entraide entre croyants. Le livre des Actes des apôtres témoigne d’une belle solidarité entre les croyants d’une même communauté (Ac 4,32) et entre les communautés (Ac 11,27-30). Les conflits de personnalité existent, mais ils sont justement combattus dans un vrai souci de communion. C’est au cœur de ce souci de communion que l’Esprit Saint travaille. L’attention que Luc met à nommer les compagnons des apôtres dans les différents lieux où ils se trouvent, nous invite aussi à nous associer par la prière, de manière nominative, à tous les membres actifs de nos communautés.
• Enfin accepter un certain abandon à l’Esprit Saint, comme dans les très beaux adieux de Paul à Milet (Ac 20,17-33), où il se dit “enchaîné par l’Esprit Saint”, n’attachant aucun prix à sa propre vie, mais désirant “mener à bien sa course et le service que le Seigneur lui a confié : rendre témoignage à l’Evangile de la grâce de Dieu”. Dieu a déjà sauvé le monde, nous n’en sommes que les témoins.
Henri de La Hougue