05 Mai Regina Caeli
La grande dévotion sulpicienne pour la Vierge Marie nous invite à chanter de manière systématique un chant à Marie à la fin de nos eucharisties quotidiennes. En ce temps de Pâques, l’antienne mariale la plus utilisée dans la liturgie est le Regina Caeli. Assez brève, cette antienne, facile à mémoriser, est largement reprise par toute l’assemblée. Pourtant, les paroles, très belles, demandent quelques explications afin que cette prière soit vraiment stimulante pour notre vie de foi.
Regína caéli, lætáre, Allelúia ! Quia quem meruísti portáre, Allelúia ! Resurréxit, sicut dixit, Allelúia! Ora pro nóbis Déum, Allelúia! | Reine du ciel, réjouis-toi, Alléluia ! Car celui que tu as mérité de porter, Alléluia ! est ressuscité comme il l’avait dit, Alléluia ! Prie Dieu pour nous, Alléluia !
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Le titre “Reine du ciel” renvoie à la fête du couronnement de la Vierge, le 22 août, huit jours après la fête de l’Assomption. Ce n’est pas une fête enracinée dans les Écritures, mais une fête traditionnelle qui rend hommage à celle qui est désormais auprès du Christ et partage sa gloire.
L’encyclique du pape Paul VI Ad Caeli (ou coeli) Reginam qui institue cette fête en donne les différentes sources traditionnelles.
N’hésitez pas à aller la lire, puisqu’on la trouve en ligne.
Personnellement, ce qui me touche le plus dans ce titre, c’est que ce couronnement renvoie dans l’antiquité chrétienne non pas à un privilège, mais à une victoire après un combat. C’est la couronne que recevaient les coureurs dans le stade après avoir gagné leur course.
Or saint Paul invite les chrétiens à courir l’épreuve de la vie de manière à entrer victorieux au ciel : “Tous les athlètes à l’entraînement s’imposent une discipline sévère ; ils le font pour recevoir une couronne de laurier qui va se faner, et nous, pour une couronne qui ne se fane pas” (1 Co 9, 25).
Marie est celle qui, ayant porté son Fils depuis sa conception jusqu’à sa mise au tombeau, ayant toujours tout donné pour lui, y compris dans les débuts de l’Église après la Pentecôte, est désormais auprès de son Fils et partage sa gloire.
Elle est Reine du Ciel, parce que, grâce à sa foi, son espérance et sa charité, elle a emporté cette couronne qui ne se fane pas et elle continue aujourd’hui, auprès de son Fils, à dispenser la miséricorde dont notre monde a tant besoin.
En invoquant la Reine du Ciel, j’invoque donc tout à la fois, celle qui m’indique le chemin de la victoire dans ma lutte quotidienne contre le mal et le péché et celle qui désormais rayonne de manière féconde sur tous les croyants qui peuvent l’invoquer comme leur mère (cf. Jn 19, 27).
En quel sens Marie a-t-elle “mérité” de porter l’enfant dans son sein ? Saint Thomas d’Aquin, dans la Somme théologique (cf. IIIa, q. 2, a. 11) se demande avec justesse si “l’union de l’incarnation a été consécutive à quelque mérite particulier de Marie”. Il répond que l’incarnation n’est pas liée à une récompense qu’elle aurait méritée par son exemplarité avant l’incarnation, mais qu’en accueillant pleinement et librement la grâce qui lui a été donnée, elle a “mérité” ce don, puisqu’elle a accompli de la manière la plus convenable possible sa responsabilité de “mère de Dieu”. Elle a donc été méritoire par sa capacité à accueillir le don de l’Esprit Saint durant sa vie entière, une vie dédiée à l’accueil et à la mission salvifique de son Fils.
Je trouve que, bien compris, ce “mérite” de Marie est un vrai encouragement, une invitation à “mériter” à notre tour devenir vraiment des Fils de Dieu, en accueillant dans notre vie quotidienne le Christ ressuscité. Notre mérite sera tout simplement de laisser la plus grande place possible au Christ dans notre vie et c’est lui qui transformera nos plus petites actions en actions méritoires.
Le “Regina Caeli” est surtout une antienne de Pâques. En proclamant Marie “Reine du Ciel” nous affirmons d’abord que le Christ est ressuscité. C’est le cœur de notre foi et le cœur de notre vie chrétienne. Les yeux tournés vers Marie qui est désormais auprès de son Fils, confiant dans sa tendresse attentive à l’égard du monde, nous proclamons avec assurance, que ce que Jésus nous avait annoncé pendant sa vie mortelle s’est réellement passé: “Il est ressuscité comme il l’avait dit !” Marie nous aide à réaliser ce grand mystère et à dire “oui” à notre tour en accueillant la foi qui nous est transmise par l’Église. Elle nous aide à le vivre jour après jour.
Conscients de nos limites et de nos inconstances, nous demandons cependant à Marie de continuer à intercéder auprès Dieu en notre faveur, comme elle avait intercédé à Cana auprès de son Fils, pour ces mariés qui n’avaient plus de vin. Car il s’agit bien pour nous, chaque jour, d’accueillir l’invitation à participer au repas des noces de l’agneau, comme le précise la nouvelle traduction du Missel Romain, juste avant que la communion.
Enfin l’Alleluia (“Louange à Dieu” en hébreu), qui ponctue chaque phrase nous place d’emblée dans la joie et dans la reconnaissance. Puisque le Christ est vraiment ressuscité, nous n’avons plus rien à craindre, notre cœur est en fête. Alleluia !
Henri de La Hougue
La Vierge couronnée par la Sainte Trinité, CORENZIO Belisario, Louvre, INV 17592.BIS, Recto, Département des Arts graphiques