03 Sep la foi, étape par étape
(Homélie du dimanche 3 septembre 2023, 22e dimanche de l’année A)
On aimerait que la foi soit une réalité en expansion continue, avec un effet de cliquet qui, une fois monté, ne pourrait plus redescendre:
- On rêverait ainsi d’avoir une prière toujours plus intense toujours plus facile où l’on ressent toujours la proximité de Dieu, que la prière soit un lieu de confort et de réconfort plutôt qu’un lieu de combat spirituel.
- on aimerait une compréhension toujours plus grande et plus claire du mystère de Dieu et du mystère de son action dans le monde.
- on aimerait une complicité toujours plus grande avec le Christ qui pourrait unifier nos vies à un point tel que les combats spirituels et les luttes contre les tentations disparaîtraient progressivement.
- On aimerait que la prière nous tourne spontanément vers l’amour des plus pauvres et réciproquement.
Or l’évangile d’aujourd’hui nous présente une réalité très différente de cet idéal:
Pierre qui, comme nous l’avons entendu dans l’évangile de dimanche dernier, vient de professer sa foi en Jésus-Christ Fils de Dieu vivant; Pierre que le Christ a félicité pour cette déclaration en disant qu’elle était réellement inspiré par son père; Pierre à qui le Christ a confié la responsabilité de son église…
… Voilà que Pierre fait des reproches au Christ lorsque celui-ci annonce sa passion, comme si Pierre savait mieux que le Christ, ce qu’il fallait faire pour le salut du monde… et le Christ lui dit carrément: “Passe derrière moi Satan! tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celle des hommes”.
Au fond, tout se passe comme si la grande foi de Pierre, qui pensait avoir bien compris qui était Jésus, comment Jésus allait apporter le salut et comment lui, Pierre pourrait y prendre part… tout cela s’effondre d’un coup.
En réalité, ce n’est pas que la profession de foi de Pierre n’avait pas de valeur, ou était inutile, mais c’était une étape. C’est justement parce que Pierre était capable de reconnaître en Jésus le Fils de Dieu, que Jésus peut aller plus loin dans l’annonce de sa mission.
A partir de ce moment-là nous découvrons, avec Pierre, l’immense parcours de foi que Pierre doit encore vivre pour entrer effectivement dans le projet de salut de l’humanité prévu par le Père:
- La foi au Christ passe par un renoncement à soi qui suppose un décentrement de soi,
- où le bien des autres passe avant son propre bien,
- où la perspective du salut des âmes est plus importante que celle de l’assurance des biens matériels et même de sa propre vie.
Qui peut vivre cet idéal? Le Christ l’a vécu, Pierre va apprendre lui aussi à le vivre, mais il y aura des chutes nombreuses, symbolisées par le triple reniement lors de la passion.
Qu’est ce que cela veut dire pour notre propre parcours de disciples du Christ?
Il ne s’agit pas de renoncer à l’idéal que nous avons décrit tout à l’heure:
- avoir une prière toujours plus intense où l’on ressent toujours la proximité de Dieu
- Acquérir une compréhension toujours plus grande et plus claire du mystère de Dieu et de la manière dont il veut sauver le monde.
- Vivre une complicité toujours plus grande avec le Christ qui nous aide dans les combats spirituels et nous tourne spontanément vers les autres.
Mais il s’agit de réaliser que la vie avec Dieu est d’abord:
- une aventure à vivre,
- Une relation à consolider au jour le jour
- Qui nécessite forcément de franchir des étapes.
- Et pour cela accepter les nécessaires conversions intérieures qui en découlent:
La vie de foi n’est pas uniquement une affaire de conviction, c’est d’abord une affaire de relation: comme toute relation elle demande:
- À être entretenue régulièrement dans des échanges quotidiens
- À être réinvestie de temps en temps quand on s’aperçoit qu’on fait les choses plus par habitude que par goût.
- A être ouverte à la nouveauté de ce que le Seigneur veut nous faire comprendre, étape par étape.
Je crois que quand la relation avec Dieu devient confortable, qu’on a en quelque sorte trouvé un rythme de croisière, alors le Seigneur en profite:
- pour nous ouvrir à une autre dimension insoupçonnée de notre foi,
- pour faire grandir notre regard sur lui, sur son projet de salut, sur nous-mêmes et sur les autres.
C’est ce qui se passe avec Pierre dans l’évangile
Et cela nous met dans un inconfort parce que les évidences acquises ne sont plus si évidentes. Néanmoins, c’est à cette condition que la relation pourra vraiment s’approfondir et devenir féconde de manière plus large dans notre vie.
C’est cela qui nous permettra d’avancer et d’enraciner notre foi pour qu’elle puisse progressivement, comme dit Saint-Paul dans la 2e lecture de ce dimanche, « nous transformer en renouvelant notre façon de penser, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait… ».