05 Jan On n’adore que Dieu
En ce dimanche de l’Épiphanie, nous sommes invités, comme les mages, à venir adorer l’enfant Jésus… mais au fait ça veut dire quoi adorer ?
Y a-t-il une différence entre l’adoration et la prière en général ? Étymologiquement le latin ad–orare signifie “adresser une prière à”, “rendre un culte à”. Le verbe adorer est très utilisé dans le langage courant comme un synonyme de “j’aime beaucoup”, mais il n’est plus tellement employé dans la foi chrétienne à part pour “l’adoration du Saint Sacrement” où il désigne habituellement le fait de prier en silence devant le Saint Sacrement.
Il me semble cependant qu’approfondir la notion d’adoration peut nous aider à approfondir notre prière.
Dans la lignée du monothéisme juif, “n’adorer que Dieu” signifie ne pas avoir d’idoles, c’est-à-dire ne pas nous construire des dieux à notre image; dieux qui sont, le plus souvent, les honneurs, le pouvoir et la richesse. Certains courent après ces “idoles”, ce qui les détourne de leur propre liberté, de l’amour des autres et de l’amour de Dieu. Même pour ceux qui ne possèdent pas beaucoup d’argent ou de pouvoir, l’idolâtrie peut se traduire par une course effrénée vers la possession d’un bien, par un désir disproportionné de les acquérir, ou encore par un usage démesuré de certains biens, comme par exemple l’usage des téléphones chez certains jeunes.
N’adorer que Dieu revient donc à accepter de se recentrer sur Dieu et sur les autres, en prenant les moyens de faire grandir notre liberté pour aller à cet essentiel et donc en prenant du recul par rapport aux “idoles” d’aujourd’hui.
De manière plus subtile, l’adoration désigne une prière qui cherche à se purifier de tout “auto-centrement”. La parabole du publicain et du pharisien (Lc 18, 9-14) nous en donne le sens profond : deux personnes se rendent au temple pour prier, l’une est fière d’elle-même et s’autocongratule devant Dieu, l’autre n’ose même pas lever les
yeux vers le ciel, tellement elle se sent pécheresse. Jésus dit que c’est la prière de la deuxième personne qui a été entendue par Dieu…
On comprend dans cette parabole qu’adorer Dieu en vérité consiste à accepter de se décentrer de soi, de venir prier non pas d’abord pour obtenir quelque chose, ou parce que cela nous fait du bien, mais simplement parce que nous reconnaissons que Dieu est Dieu, que nous sommes reconnaissants pour la vie qu’il nous a donnée, pour dire à Dieu que nous l’aimons, pour passer, gratuitement, du temps avec lui.
Adorer c’est donc aimer Dieu et prendre les moyens d’exprimer cet amour en allant lui donner ce que l’on a de plus précieux : notre temps ; de la même manière que l’on sait le faire spontanément pour une personne que l’on aime. Mais à la différence d’une personne aimée, la relation entre nous et Dieu n’est pas entièrement paritaire car, même si Jésus s’est fait homme et qu’il a voulu nous donner les moyens d’accéder à lui en s’ajustant à nous, nous restons des créatures et Dieu reste notre créateur ; nous restons des pécheurs et lui est celui qui nous pardonne et qui nous sauve.
Je crois que nous pouvons venir adorer avec confiance, car le Seigneur est toujours heureux de nous voir. Son amour est inconditionnel. Lorsque nous venons l’adorer en vérité, sans même le demander, nous nous laissons imprégner par Celui que nous aimons. L’adoration nous transforme peu à peu en nous donnant le goût d’aimer ce que Dieu aime, en ouvrant notre cœur à sa présence.
Aujourd’hui la liturgie nous invite à venir adorer le Seigneur. C’est le Seigneur qui nous appelle ! Profitons-en, venez, adorons-le !
Père Henri de La Hougue