16 Fév Le “fil rouge” de notre Carême
Déjà le Carême ! Chaque année, ce temps nous est proposé pour vivre un temps de conversion vers le Seigneur. Mais comment y parvenir ? Comment s’y atteler de manière concrète et efficace ? Trois méthodes peuvent être envisagées :
La première consiste à prendre par principe des résolutions de Carême sachant que cela est bon pour la vie humaine et spirituelle : arrêter de fumer, ne plus boire d’alcool, jeûner le vendredi, lire la Bible, donner de l’argent à une œuvre sociale…
Cette méthode risque cependant d’être rapidement décourageante si on ne voit pas les motivations qui nous poussent à faire ces efforts. Mais cela peut nous lancer en ce début de Carême en attendant d’approfondir le sens de ces actions.
La deuxième, meilleure, consiste à cibler ces résolutions en repérant, dans notre relation avec Dieu, avec les autres (et déjà nos relations quotidiennes et/ou familiales) et avec nous-mêmes (rythme et hygiène de vie, devoir d’état…), les attitudes extérieures pour lesquelles, à notre avis, Dieu aimerait nous voir progresser : temps de prière quotidien, temps passé devant les écrans, manques d’attentions, investissement dans le travail, attention à la vie conjugale ou familiale, etc… À partir de là, essayer de se donner des priorités (car il est difficile de progresser dans tous les domaines en même temps) et de choisir quelques résolutions concrètes pour y parvenir….
La troisième méthode, encore meilleure, consiste à repérer, au-delà des attitudes ou comportements extérieurs à améliorer, ce qui serait un axe de conversion intérieure, un fil rouge unificateur sur lequel le Christ souhaiterait que nous progressions et le traduire ensuite par des résolutions concrètes qui permettent d’avancer dans ce domaine. Cela pourrait être par exemple : d’agir pour que notre lien avec le Christ habite davantage les rencontres de notre vie quotidienne, de laisser plus de place à la louange dans notre vie de prière, de réinvestir davantage la vie de couple ou la vie de famille, d’apprendre à se laisser davantage toucher par les situations difficiles des personnes qui nous entourent…
L’avantage de cette méthode est de discerner un travail de fond qui se traduira par une progression beaucoup plus durable et dont les effets persisteront bien au-delà du carême. Saint Augustin, dans ses Confessions, explique comment, lui qui avait cherché pendant vingt années dans la philosophie manichéenne une sagesse qui donnerait sens à sa vie toute entière, l’a finalement découverte dans la foi chrétienne que sa mère avait cherché à lui transmettre depuis son enfance. Dans un passage très connu des Confessions, il décrit son axe de conversion, son “fil rouge” unificateur, comme la conscience d’une présence permanente du Christ qui était déjà là au fond de lui-même, mais qu’il ne savait pas voir; et qui, à partir du moment où il l’accueille, donne un relief incroyable à tous les instants de sa vie.
“Bien tard, je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard, je t’ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors, et c’est là que je te cherchais, et je poursuivais de ma laideur la beauté de tes créatures !
Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ; elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant, si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas !
Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ; tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi ; j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif : tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix”. (Confessions, Livre X, 27)
Père Henri de La Hougue
La tentation de Jésus dans le désert. Aquarelle et gouache de James Tissot (1836-1902), Jewish Museum, New York, USA