28 Fév Dieu voulait-il le sacrifice de son Fils?
Alors que nous approchons de la semaine sainte, la mort du Christ sur la croix va devenir de plus en plus présente dans nos méditations et c’est l’occasion pour les apôtres, comme pour nous de nous interroger sur le sens de sa passion : Pourquoi le Christ doit-il mourir sur la croix pour nous sauver ? Est-ce le Père qui a imposé cela à son Fils comme une sanction pour racheter nos péchés ? En quoi cette mort peut-elle nous sauver ?
Pourquoi Abraham était-il prêt à sacrifier son fils unique?
La question se pose déjà dans la première lecture avec le sacrifice d’Abraham. Est-ce que Dieu exige vraiment un sacrifice humain pour vérifier qu’Abraham lui est vraiment soumis ? Ou bien le texte veut-il nous montrer autre chose ?
C’est vrai qu’Abraham a compris au départ que Dieu lui demandait de sacrifier son fils unique, celui qu’il avait eu tellement de mal à avoir avec sa femme Sara. Mais ce qui intéresse l’auteur de la genèse, ce n’est pas ce point de départ, mais le cheminement d’Abraham et la finalité du récit.
- C’est d’abord de montrer la foi et la disponibilité d’Abraham qui est prêt à tout donner à Dieu, y compris la « chair de sa chair », son Fils, à qui il tient sans doute plus que lui-même.
- C’est aussi de montrer que Dieu veut donner à Abraham l’occasion de se rattraper après son premier manque de foi. Dieu lui avait promis une descendance, mais comme sa femme était âgées et n’avait pas eu d’enfant, ils avaient eu du mal à croire en la promesse que Dieu avait faite et Sara lui avait suggéré d’avoir un enfant avec sa servante Hagar, ce qui a engendré par la suite un conflit et le renvoi de la servante avec son fils Ismaël. C’est comme si Dieu lui demandait dans ce récit : « est-ce que cette fois-ci tu vas vraiment de faire confiance ? »
- Ce qui est important c’est le fait que, quoi qu’ait compris Abraham au départ, il découvre dans cette démarche que ce que Dieu veut c’est une attitude de disponibilité et d’abandon et non le sacrifice humain d’Isaac. Cette attitude de disponibilité et de confiance sera par la suite déterminante pour l’alliance entre Dieu et son peuple, comme elle est déterminante pour notre relation à Dieu : « est ce que nous lui faisons vraiment confiance ? ».
Pourquoi saint Paul dit-il que « Dieu a livré son fils pour nous »?
La question du sens de la mort de Jésus sur la croix se pose dans la 2ème lecture avec cette affirmation de Paul : « Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous ». Le père a-t-il voulu sacrifier Jésus sur la croix comme s’il fallait le sacrifice d’un innocent pour compenser les péchés de l’humanité ?
On comprend que si Dieu n’a pas voulu le sacrifice d’Isaac, il ne veut pas plus le sacrifice de son Fils. Mais alors, pourquoi le Christ doit-il passer par la mort sur la croix ?
L’évangile de la transfiguration nous donne la clef pour comprendre
C’est l’évangile de la transfiguration qui nous donne une clef pour comprendre le sens de la mort du Christ sur la croix.
A ce moment-là de son ministère, Jésus a compris que s’il continue à annoncer le Royaume de Dieu comme il le fait, étant donné l’opposition des chefs religieux, il sera arrêté et mis à mort, sans doute crucifié comme un vulgaire bandit, pour pas que sa mort paraisse être une condamnation religieuse.
Et quand Jésus se rend sur la montagne avec Pierre, Jacques et Jean pour y prier, on comprend qu’il porte cette question : « est-ce que tu veux vraiment que ma mission passe par la mort ? » D’autant que la mort sur la croix est vraiment une mort infamante, qui est vue par les juifs comme un abandon de Dieu.
La réponse vient durant la prière où le Christ est transfiguré devant ses apôtres. Cette transfiguration nous est décrite par 3 attributs :
- il est revêtu d’une blancheur telle qu’elle n’existe pas sur terre : c’est le signe de la résurrection : Jésus comprend que la mort n’est pas la fin, mais le passage vers la victoire sur le péché qui est la résurrection
- il s’entretient avec Elie et Moïse : Moïse et Elie représentent la révélation de la loi et des prophètes. Jésus comprend que sa mort sur la croix s’inscrit dans la logique des prophètes dont beaucoup ont été persécutés et de la loi dont le commandement suprême est l’amour absolu de Dieu et du prochain.
- une voix se fait entendre « celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le » : comme au baptême, cette voix est l’encouragement du père qui redit la confiance et l’amour qu’il a dans le fils au moment où celui va accomplir sa mission.
Jésus comprend que sa mission doit passer par la mort pour accomplir la logique de l’alliance révélée par la loi et les prophètes. Ce n’est pas que le Père veut la mort de son fils bien aimé, mais, comme dit saint Paul, il ne « l’épargne pas » et demande à son fils d’aller jusqu’au bout de sa pour témoigner qu’il partage notre humanité, jusque dans sa souffrance et dans la mort ; mais qu’au bout, il y a la résurrection.
Et de fait, il commence à parler aux apôtres de la résurrection, même si eux ne comprennent pas ce que signifie « ressusciter d’entre les morts ». Comme beaucoup de juifs, ils croyaient à la résurrection, mais une résurrection à la fin des temps… Ce n’est qu’après avoir vu le Christ ressuscité qu’ils comprendront ces paroles.
Alors que nous nous préparons aux fêtes de Pâques qui approchent et que nous allons méditer sur passion et la mort du Christ, les textes d’aujourd’hui nous invitent à y voir le signe d’une vie donnée par amour pour nous, vécue par Jésus dans une confiance absolue en son Père, comme Abraham autrefois était prêt à sacrifier « la chair de sa chair », tout cela pour nous dévoiler qu’après la mort, il y a la résurrection et la vie éternelle auprès de Dieu.