11 Mai « Pourquoi l’Ascension est-elle une fête ? »
Jeudi prochain c’est la fête de l’Ascension. 40 jours après Pâques, nous fêterons le passage définitif de Jésus de la terre à la gloire du ciel. Lui qui, après sa résurrection, s’était fait reconnaître aux apôtres à plusieurs reprises cesse désormais toute apparition et disparaît définitivement à leurs yeux : « Tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux » (Ac 1,9).
Je me suis longtemps demandé pourquoi l’Ascension était une fête. Le moment est plutôt dramatique : les apôtres commençaient à peine à s’habituer au nouveau mode de présence de Jésus, à le reconnaître lorsqu’il apparaissait, à oser balbutier quelques mots en sa présence… qu’il disparaît définitivement à leurs yeux.
Ce départ définitif est d’autant plus difficile à vivre pour l’Église naissante qu’elle ne sait pas trop dans quelle direction poursuivre la mission commencée par le Christ.
Les apparitions du Christ ressuscité avaient redonné l’espoir aux disciples de voir enfin le Royaume d’Israël être rétabli.
La grande question qui les préoccupe est donc de savoir comment va
s’organiser cette restauration (Ac 1, 6). Mais quand Jésus leur répond qu’il ne leur appartient pas de le savoir et qu’en plus il disparaît définitivement à leurs yeux, les disciples sont vraiment désemparés.
Il y a aussi pour les disciples de la tristesse à voir Jésus partir (Jn 16, 6-7). Jésus était devenu pour les apôtres, au cours des trois années de vie publique, un véritable compagnon de route, un ami, sur lequel ils comptaient. La tristesse de sa mise à mort avait été balayée par la joie de le voir ressuscité. Mais voici que l’ami fidèle, garant de l’amour du Père, s’en va pour toujours.
De tous ces points de vue, on pourrait dire que l’Ascension est plutôt un moment d’épreuve pour la foi des apôtres. De la même manière, si on regarde nos propres difficultés de foi (les doutes qui peuvent nous habiter), l’Ascension pourrait plutôt être considérée comme une épreuve.
Alors pourquoi l’Église nous propose-t-elle de vivre ce jour comme une fête ?
J’y vois au moins 7 raisons :
1. La Résurrection, l’Ascension et la Pentecôte forment un tout. Le Christ est ressuscité, il est désormais au ciel auprès du Père, mais il n’est pas absent de nos vies : sa présence se généralise dorénavant par le don de l’Esprit Saint qu’il a promis aux disciples avant de disparaître définitivement à leurs yeux. Les apôtres qui font cette expérience de la venue de l’Esprit ne ressentent plus le besoin de voir le Christ ressuscité pour avancer. Ils réalisent d’une autre manière, plus discrète, mais permanente, que le Christ est bien là, vivant au milieu d’eux.
2. Le fait de n’être plus tributaires d’apparitions pour avancer les rend plus libres, plus mobiles, plus disponibles à la rencontre des autres. C’est un peu comme la différence entre un petit enfant qui a toujours besoin de vérifier que ses parents le regardent avant d’entreprendre une chose nouvelle, et les enfants un peu plus grands qui ont acquis de l’assurance et sont plus libres d’avancer vers l’inconnu, car ils ont intégré que les parents seront toujours là s’il y a un danger.
3. En nous donnant son Esprit Saint, le Christ nous fait confiance, il invite à une collaboration étroite avec l’Esprit. Il n’a plus besoin d’être présent de manière visible puisque chacun peut l’accueillir dans son cœur. De fait, on repère dans le livre des Actes des Apôtres, que l’Esprit Saint donné à la Pentecôte se rend de plus en plus présent dans la vie des apôtres, qu’il leur donne la force de témoigner, la force de guérir des personnes au nom du Christ, qu’il les guide dans leur mission. Le fait que Jésus ne soit plus visible à leurs yeux, a permis une véritable collaboration avec l’Esprit Saint, au point que Jacques, au nom des apôtres, utilisera l’expression suivante : « L’Esprit Saint et nous même avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci… » (Ac 15, 28).
4. En devenant présent par son Esprit Saint, plutôt que par des apparitions, le Christ n’est plus présent uniquement pour ses apôtres, mais se rend présent pour le monde entier. Pierre en fait l’expérience lorsqu’il est appelé chez un centurion païen, Corneille, et qu’il décide de le baptiser avec toute sa famille en réalisant que l’Esprit Saint leur a fait, à eux aussi, le don de la foi (Ac 10,45). C’est donc grâce à l’Ascension et la Pentecôte que l’évangélisation s’est faite dans le monde entier.
5. Par son Esprit, le Christ n’est pas seulement présent pour un temps donné, comme il l’a été avec ses disciples, mais comme le souligne la dernière phrase de l’évangile de Matthieu, il est avec nous « tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Cette assurance nous permet d’avancer avec confiance dans nos sociétés, même quand nous ne percevons pas humainement les points de repères qui nous donneraient l’assurance de progresser dans notre relation avec Dieu et avec les autres.
6. L’Ascension nous invite à avoir constamment les yeux tournés vers le ciel. Le Royaume de Dieu est à construire dès à présent, mais nous ne pouvons pas le faire si nous n’avons pas la certitude que c’est à la fin des temps que tout s’accomplira et donc que nous avons besoin d’être constamment à l’écoute de l’Esprit Saint pour avancer. À chaque fois que les idéologies religieuses ont prétendu avoir la maîtrise de ce qu’il fallait dire ou faire au nom de Dieu, elles se sont transformées en totalitarismes religieux.
7. Enfin, de même que la résurrection du Christ est le gage de notre propre résurrection, l’Ascension nous indique le chemin de notre avenir : nous aussi nous sommes appelés à partager la gloire du ciel, à vivre auprès du Père par le Christ dans l’Esprit Saint. L’Ascension est le gage de cette promesse et donc le signe de l’espérance qui nous habite.
Bonne fête de l’Ascension à tous !
Henri de La Hougue