08 Nov La confession vue du côté du prêtre
Il y a quinze jours, la polémique sur le secret de confession m’a poussé à aborder la question de la confession à partir de la démarche du pénitent. Je voudrais aujourd’hui partager avec vous ce qui se passe du côté du prêtre lorsqu’il vit ce ministère. Que ressent-il en donnant le pardon ? Comment la conscience de ses propres péchés lui permet-elle, malgré tout, de donner le pardon des péchés ? Parvient-il à pardonner, au nom du Christ, des choses qui lui paraîtraient inexcusables ? Comment ce ministère de la confession lui permet-il de grandir dans la foi et dans l’espérance ? Pour répondre à ces questions, le meilleur moyen est sans doute de partager avec vous mon propre témoignage, puisque j’ai l’opportunité, à Saint-Sulpice, de pouvoir y consacrer plusieurs heures chaque semaine.
Commençons par rappeler une banalité : le prêtre qui confesse est aussi un homme qui se confesse régulièrement. Lorsque je confesse des personnes, je sais donc ce qu’elles peuvent ressentir : leurs difficultés à aborder leur vie intime, la dimension parfois humiliante d’avoir à avouer des péchés récurrents, mais aussi le bonheur de recevoir le pardon. Je dois dire que je me reconnais dans la démarche de beaucoup de gens qui viennent se confesser : leurs péchés, à quelques variantes près, ressemblent aux miens. Je me sens, alors, solidaire avec eux, incapable de porter le moindre jugement négatif à leur égard et je vis cela comme une invitation à aller, moi-même, me confesser, si je n’y suis pas allé depuis longtemps, ou comme un rappel de la miséricorde de Dieu, face à mes propres péchés, si j’y suis allé récemment.
Pourtant, lorsque je suis au confessionnal, j’ai largement l’impression de vivre un ministère qui me dépasse : quand les péchés des pénitents ressemblent aux miens je me trouve très indigne de donner le pardon des péchés au nom de Dieu, et quand les situations humaines et spirituelles des pénitents sont très éloignées des miennes je me demande si je suis la bonne personne pour être vraiment à l’écoute de ce qui m’est partagé. Cela m’aide à réaliser que l’acteur principal de la réconciliation est l’Esprit-Saint. J’implore souvent son aide pour m’aider à bien écouter, à avoir une parole bienveillante et encourageante. Je crois que seul l’Esprit-Saint peut agir à travers les paroles d’encouragement et de pardon que je donne au nom de l’Église. Les heures passées au confessionnal sont donc vraiment pour moi un approfondissement de ma relation avec l’Esprit-Saint que je vois à l’œuvre en permanence.
Ce ministère me fait toucher du doigt l’incapacité de l’humanité à vivre par elle-même la sainteté qu’elle désire vivre. Je médite souvent cette parole de saint Paul, « je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm 7, 19). Grâce à ce ministère, je comprends mieux l’insistance de l’Église sur la nécessité d’être sauvé. Le salut n’est pas seulement une délivrance promise pour l’au-delà, mais c’est une expérience de libération que Dieu nous donne dès à présent.
Les confessions m’aident à réaliser que la sainteté ne peut pas être acquise à la force du poignet, et que la communion avec Dieu ne peut reposer que sur l’amour surabondant de Dieu qui se manifeste régulièrement à travers les pardons reçus.
Être témoin de cela m’aide aussi à entrer dans cette dynamique positive : le but du pardon donné est tout simplement de nous permettre de continuer à vivre et à approfondir notre relation à Dieu et aux autres, alors même que nos péchés nous en éloignent. Le pardon de Dieu n’est pas une “remise à zéro” du compteur des péchés : c’est un don par lequel Dieu nous dit qu’il nous aime tels que nous sommes, malgré nos limites et nos failles, et par lequel il nous invite à poursuivre notre relation avec lui dans la confiance.
En confessant régulièrement, j’ai l’impression d’être le témoin privilégié d’aventures extraordinaires où Dieu parle à des hommes et des femmes aux parcours si différents et parfois si complexes. Parfois je me demande comment des personnes font pour tenir dans des situations extrêmement difficiles à porter et le fait de réaliser que la confession reçue régulièrement y a largement contribué me donne non seulement de la joie, mais m’encourage dans ma propre vie de baptisé et de prêtre. Lorsque je viens au confessionnal, j’emporte souvent de quoi dire l’office du bréviaire ou préparer l’homélie du jour suivant, au cas où il y aurait un temps libre entre deux pénitents. Or, très souvent, les confessions s’enchaînent non-stop et, en voyant encore cinq ou six pénitents qui attendent leur tour, c’est sans regrets que je renonce à ce que j’avais prévu de faire, et que j’adresse au Seigneur cette courte prière : « Merci Seigneur, c’est pour donner ce pardon que tu m’as appelé à devenir prêtre et je n’ai rien de mieux à faire que d’être simplement là, en ton nom, pour apporter ton pardon à toutes ces personnes ! Merci de m’avoir fait à la fois témoin et acteur de ta miséricorde ».
Henri de La Hougue
Commençons par rappeler une banalité : le prêtre qui confesse est aussi un homme qui se confesse régulièrement. Lorsque je confesse des personnes, je sais donc ce qu’elles peuvent ressentir : leurs difficultés à aborder leur vie intime, la dimension parfois humiliante d’avoir à avouer des péchés récurrents, mais aussi le bonheur de recevoir le pardon. Je dois dire que je me reconnais dans la démarche de beaucoup de gens qui viennent se confesser : leurs péchés, à quelques variantes près, ressemblent aux miens. Je me sens, alors, solidaire avec eux, incapable de porter le moindre jugement négatif à leur égard et je vis cela comme une invitation à aller, moi-même, me confesser, si je n’y suis pas allé depuis longtemps, ou comme un rappel de la miséricorde de Dieu, face à mes propres péchés, si j’y suis allé récemment.
Pourtant, lorsque je suis au confessionnal, j’ai largement l’impression de vivre un ministère qui me dépasse : quand les péchés des pénitents ressemblent aux miens je me trouve très indigne de donner le pardon des péchés au nom de Dieu, et quand les situations humaines et spirituelles des pénitents sont très éloignées des miennes je me demande si je suis la bonne personne pour être vraiment à l’écoute de ce qui m’est partagé. Cela m’aide à réaliser que l’acteur principal de la réconciliation est l’Esprit-Saint. J’implore souvent son aide pour m’aider à bien écouter, à avoir une parole bienveillante et encourageante. Je crois que seul l’Esprit-Saint peut agir à travers les paroles d’encouragement et de pardon que je donne au nom de l’Église. Les heures passées au confessionnal sont donc vraiment pour moi un approfondissement de ma relation avec l’Esprit-Saint que je vois à l’œuvre en permanence.
Ce ministère me fait toucher du doigt l’incapacité de l’humanité à vivre par elle-même la sainteté qu’elle désire vivre. Je médite souvent cette parole de saint Paul, « je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm 7, 19). Grâce à ce ministère, je comprends mieux l’insistance de l’Église sur la nécessité d’être sauvé. Le salut n’est pas seulement une délivrance promise pour l’au-delà, mais c’est une expérience de libération que Dieu nous donne dès à présent.
Les confessions m’aident à réaliser que la sainteté ne peut pas être acquise à la force du poignet, et que la communion avec Dieu ne peut reposer que sur l’amour surabondant de Dieu qui se manifeste régulièrement à travers les pardons reçus.
Être témoin de cela m’aide aussi à entrer dans cette dynamique positive : le but du pardon donné est tout simplement de nous permettre de continuer à vivre et à approfondir notre relation à Dieu et aux autres, alors même que nos péchés nous en éloignent. Le pardon de Dieu n’est pas une “remise à zéro” du compteur des péchés : c’est un don par lequel Dieu nous dit qu’il nous aime tels que nous sommes, malgré nos limites et nos failles, et par lequel il nous invite à poursuivre notre relation avec lui dans la confiance.
En confessant régulièrement, j’ai l’impression d’être le témoin privilégié d’aventures extraordinaires où Dieu parle à des hommes et des femmes aux parcours si différents et parfois si complexes. Parfois je me demande comment des personnes font pour tenir dans des situations extrêmement difficiles à porter et le fait de réaliser que la confession reçue régulièrement y a largement contribué me donne non seulement de la joie, mais m’encourage dans ma propre vie de baptisé et de prêtre. Lorsque je viens au confessionnal, j’emporte souvent de quoi dire l’office du bréviaire ou préparer l’homélie du jour suivant, au cas où il y aurait un temps libre entre deux pénitents. Or, très souvent, les confessions s’enchaînent non-stop et, en voyant encore cinq ou six pénitents qui attendent leur tour, c’est sans regrets que je renonce à ce que j’avais prévu de faire, et que j’adresse au Seigneur cette courte prière : « Merci Seigneur, c’est pour donner ce pardon que tu m’as appelé à devenir prêtre et je n’ai rien de mieux à faire que d’être simplement là, en ton nom, pour apporter ton pardon à toutes ces personnes ! Merci de m’avoir fait à la fois témoin et acteur de ta miséricorde ».
Henri de La Hougue