27 Jan Y a-t-il une manière chrétienne de penser l’écologie ?
Au fil des dernières années, plusieurs éléments, qui, il y a seulement trente ans, n’apparaissaient même pas dans le champ de la conscience morale, se sont imposés comme des évidences :
– le réchauffement climatique et l’impact de nos manières de vivre sur le climat (déplacements, utilisations des énergies fossiles, déforestations) ;
– la limitation des ressources minières de la planète et l’augmentation incessante de nos consommations (pétrole, gaz, charbon, mais aussi lithium et terres rares), avec le risque de l’épuisement de ces ressources pour les générations futures ;
– la pollution énorme qu’entraînent nos modes de vies (sacs en plastique, capsules en plastique ou en aluminium pour chaque café…).
Toutefois, l’idée d’utiliser des sacs recyclables pour les courses est couramment admise, le fait de trier nos déchets ou de nous poser la question de la pollution de nos moyens de transport aussi… et les plus jeunes nous aident à d’autres prises de conscience.
Ces changements de mentalité, accrus par la crise de la COVID et la nécessité de vivre autrement, pendant deux ans, nous ont aidés à prendre conscience d’une responsabilité collective face au devenir de notre planète, mais ont abouti à peu de solutions miracles pour y répondre. D’autant que, à l’échelle de nos gouvernants, ces considérations s’effacent complètement face aux conjonctures militaires, politiques et économiques qui amènent les Etats à prendre des décisions complètement contraires aux bonnes résolutions écologiques.
La foi chrétienne a-t-elle quelque chose à nous dire dans ce domaine ?
La table ronde œcuménique qui a eu lieu mercredi dernier au temple de Penthemont-Luxembourg a permis de relever quelques convictions :
- Natacha Tinteroff nous a expliqué comment était apparu, dans les textes de l’Église anglicane, la notion « d’univers sacramentel » : puisque Dieu est présent en toute créature et en toute chose, l’univers dans son ensemble est un signe extérieur visible d’une grâce intérieure qui nous est donnée par cette présence de Dieu.
- Côté catholique, Elena Lasida a relevé quelques points majeurs de l’encyclique Laudato Si’, en particulier la notion « d’écologie intégrale » : l’écologie n’est pas seulement un lien avec les ressources de la nature, mais elle concerne toutes les formations de la vie et des vivants. Elle devient alors une question sociétale et pas seulement individuelle. Il s’agit « d’organiser, ensemble, la maison commune.»
- Michel Stavrou nous a expliqué comment, dans la liturgie orthodoxe, la communion avec tout le cosmos fait partie du mystère de Dieu. Le cosmos est une communion, comme la sainte Trinité est communion. Le Christ est le ciment de cette double communion. « L’énergie divine » donnée par l’Esprit Saint assume l’existence de toute la création à différents degrés, l’humain ayant la responsabilité de l’ensemble.
- Marc Boss a d’abord évoqué la diversité des positions protestantes, en présentant la position assez caricaturale de Ralph Drollinger (pasteur attitré de Donald Trump), dans sa conférence : « Pour en découdre avec la religion de l’environnementalisme !», où il fait une lecture littéraliste de Gn 1, 28 « Assujettissez la création ! », selon laquelle on peut continuer à utiliser toutes les énergies fossiles que l’on veut, puisque Dieu pourvoira aux manques de l’humanité dans les années à venir.
Mais il a ensuite montré comment un large consensus dans les traditions luthéro-réformées va plutôt dans le sens inverse : la foi en Jésus-Christ interdit de se désintéresser des choses de la création. La création est voulue par Dieu, elle est bonne, même si elle est parfois détournée pour un mauvais usage. La mission des chrétiens est donc de cultiver et prendre soin de la création. La phrase de Gn 1, 28 (Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. ») doit être comprise à la lumière de Gn 2, 15. « Le Seigneur Dieu prit l’homme et le conduisit dans le jardin d’Éden pour qu’il le travaille et le garde ». Nous aurons à en rendre compte à la fin des temps.
Il n’y a pas de solution miracle aux problèmes que soulève l’écologie, mais plutôt une invitation à enrichir progressivement notre rapport au monde, à la nature, à la consommation, aux personnes… avec cette conviction que Dieu y est présent et que l’on peut découvrir cette présence dans les nombreuses médiations qui nous sont données chaque jour.
En réalisant par exemple que le covoiturage, pensé au départ pour faire des économies d’essence et lutter contre la pollution, a permis de nombreuses rencontres, on comprend de manière assez concrète comment le souci écologique peut aussi contribuer au mieux-être de l’humanité. Le label « Église verte », créé par des chrétiens de différentes confessions, a permis à de nombreux chrétiens de s’engager davantage sur ce chemin. Une piste à creuser pour notre paroisse…
Henri de La Hougue