31 Mar Le temps de la Passion
Après nous être exercés pendant ce temps du carême à laisser une plus grande place au Christ dans notre vie, nous voici plongés cette semaine dans sa Passion.
La mot “Passion” signifie étymologiquement “souffrance”. Il y a quelques années, le film de Mel Gibson, La Passion du Christ, insistant sur l’épisode brutal et quasi insoutenable de l’arrestation, des moqueries du procès, de la flagellation, du portement de la croix, de la crucifixion et de la mort, a permis à de nombreux chrétiens, sans doute trop habitués à la version assez aseptisée des évangiles, de prendre conscience de la réalité des outrages acceptés et subis par le Christ. Cela a touché bon nombre d’entre nous.
Pourtant, si nous contemplons la Passion, ce n’est pas parce que cette souffrance aurait une valeur rédemptrice en elle-même. Le Christ n’avait pas besoin de souffrir pour satisfaire une exigence d’un Dieu qui aurait voulu un rachat douloureux du péché de l’humanité. Les conséquences du péché sont déjà suffisamment dévastatrices pour qu’on n’ait besoin d’en ajouter. Dieu veut nous sauver gratuitement et c’est justement pour manifester cela que le Christ a été jusqu’au bout dans le don de sa propre vie.
La méditation de la passion est donc à vivre comme la contemplation de celui qui est allé “jusqu’au bout”, y compris en passant par la souffrance et la mort, pour témoigner qu’en toute circonstance, depuis notre naissance jusqu’à notre mort, il est bien “Emmanuel”, “Dieu avec nous”.
La Passion et la résurrection sont l’aboutissement de la vie de Jésus.
de la vie cachée à Nazareth, durant ces trente années où Jésus manifeste la tendresse de Dieu venu partager notre humanité dans un petit village de Palestine. Dieu s’est mis au rythme de l’humanité, partageant la vie ordinaire et quotidienne d’une famille, les joies et les inquiétudes de la vie sociale et religieuse d’un territoire occupé. Il y a vécu en portant déjà, dans la relation privilégiée qu’il entretenait avec le Père, le salut de ce peuple ;
de la vie publique consacrée à révéler le Royaume de Dieu et à l’inaugurer en donnant son temps et son énergie pour celles et ceux qui en avaient le plus besoin. À tous, il a révélé que sa présence leur apportait le salut de Dieu, qu’ils soient juifs pratiquants, pécheurs notoires, infirmes ou lépreux, païens ou samaritains. Pouvait-il, après cela renoncer à rester avec eux jusqu’au bout, parce que sa vie était menacée ? Ne fallait-il pas qu’il aille jusqu’au bout pour signifier que le don de soi qu’il prônait pouvait aboutir à la résurrection ?
La beauté de la Passion ne réside donc pas dans la souffrance pour elle-même, mais dans le fait que le Christ nous a aimés “jusqu’au bout”. Cela est souligné dans le premier verset du chapitre 13 de Saint Jean qui introduit le lavement des pieds au cours du dernier repas : “Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.”
En contemplant, cette semaine, le Christ qui nous a aimés jusqu’au bout, nous réalisons également que nous sommes personnellement et collectivement inclus dans ce “jusqu’au bout”. C’est bien aussi “pour nous” que le Christ a donné sa vie. Et cela nous permettra de nous associer avec d’autant plus de force à la joie des nouveaux baptisés le jour de Pâques : nous aussi nous avons été sauvés par le Christ.
L’antienne évangélique de ce jour des rameaux, que nous entendrons également en grégorien après les lectures de l’office des ténèbres durant tout le Triduum pascal, le résume parfaitement : “Pour nous, le Christ est devenu obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix, c’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom !” « Christus factus est pro nobis oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus exaltavit illum et dedit illi nomen, quod est super omne nomen« .
Henri de La Hougue
Scènes de la Passion du Christ avec deux donateurs en oraison, 1475 / 1525 (Fin du XVe siècle – début du XVIe siècle), Maître des panneaux de Sainte Elizabeth, École des Pays-Bas, Louvre